Concentrons désormais nos analyses sur les effets du jeûne intermittent sur les grandes maladies associées au vieillissement de l’organisme : le diabète, les maladies cardio-vasculaires, les maladies neurologiques et les cancers.
Le(s) diabète(s) :
Globalement, le jeûne intermittent peut prévenir et guérir le diabète de type 2 chez les rongeurs. Mais il peut aussi améliorer l’état de santé des rongeurs atteints de diabète de type 1 en améliorant la préservation des cellules du pancréas chargées de sécréter l’insuline (cellules β). Les bénéfices du jeûne intermittent chez les diabétiques reposent également très certainement sur sa puissante action anti-inflammatoire car le diabète est très souvent associé à une inflammation importante de plusieurs organes. Chez l’homme, de nombreuses études ont montré un effet positif important du jeûne intermittent sur des marqueurs sanguins du diabète ou prédictifs du diabète. Deux études ont même montré une amélioration de la sensibilité à l’insuline de personnes en surpoids ou obèses non-diabétiques supérieure à celle qu’induit une restriction calorique prolongée. Mais les effets sur des hommes de poids normal reste encore à étudier en détail.
Les maladies cardio-vasculaires :
De manière étonnante, il a été montré que le cœur de rongeurs soumis au jeûne un jour sur deux présentait beaucoup moins de séquelles à la suite d’un infarctus (jusqu’à -75 % de cellules mortes!). Et même si le jeûne intermittent n’avait débuté que deux semaines après l’accident, il améliorait grandement la rémission des rongeurs et multipliait par trois leurs chances de survie huit semaines plus tard. D’autre part, il apparaît clairement que le cœur des rongeurs jeûneurs depuis l’âge de deux mois est protégé contre plusieurs méfaits du vieillissement tels que l’inflammation, le stress oxydatif et la fibrose. Nous l’avons déjà évoqué précédemment : le jeûne intermittent entraîne également la diminution de la pression artérielle et l’augmentation de la variabilité cardiaque, deux éléments qui présagent une meilleure santé cardio-vasculaire. Notons que la diminution de la pression artérielle ne serait pas due uniquement à la diminution des graisses stagnantes dans le sang, mais aussi à une amélioration de la dilation des vaisseaux sanguins. Enfin remarquons que, contrairement à l’idée reçue, les rongeurs jeûneurs obtiennent de meilleures performances lors de test d’endurance réalisés sur tapis roulant ou dans une roue par rapport à leurs congénères nourris ad libitum.
Chez l’homme, les quelques recherches s’étant particulièrement intéressées à la santé cardio-vasculaire se sont concentrées sur des personnes en surpoids ou obèses. Les résultats confirment bien une diminution des risques de maladies cardiovasculaires en rapportant une diminution de la fréquence cardiaque de repos, une diminution de la masse grasse, et une diminution des taux sanguins de glucose, d’insuline, d’homo-cystéine, de cholestérol total, de « mauvais cholestérol » (LDL), et de triglycérides. Mais il existe malheureusement très peu de données comparant le jeûne intermittent à la restriction calorique sur ces aspects précis.
Les maladies neurologiques :
Le jeûne intermittent présente également des bénéfices aux niveaux neurologique et cérébral. Dans des maladies dites neurodégénératives telles que la maladie de Parkinson ou la maladie d’Alzheimer par exemple, on sait que c’est la dégénérescence et la mort massives de certains groupes de neurones spécifiques qui sont à l’origine des troubles. Mais il en est de même des séquelles laissées par un accident vasculaire cérébral (AVC).
Or, de manière générale, le jeûne intermittent augmente justement la résistance des neurones et améliore leur survie grâce à quatre grands mécanismes :
- une préservation du bon fonctionnement de leurs mitochondries ;
- une réduction du stress oxydatif qu’ils subissent ;
- une augmentation de la production de facteur de croissance conduisant à la formation de nouveaux neurones et de nouvelles synapses et au renforcement des synapses existantes ;
- une augmentation de l’autophagie, le mécanisme par lequel le neurone recycle lui-même ses éléments constitutifs défaillants ou altérés.
Ainsi, les rats jeûneurs chez qui on simulait artificiellement les effets de la maladie d’Alzheimer ou de la maladie de Parkinson s’avéraient moins atteints que leurs congénères, présentant moins de dysfonctions motrices et cérébrales, et moins de déficits de la mémoire et de l’apprentissage. De la même manière, les souris transgéniques très fortement prédisposées à la maladie d’Alzheimer ne développaient pas du tout la pathologie, ou alors tardivement, si on leur imposait de jeûner un jour sur deux.
Par ailleurs, de nombreuses études menées sur les animaux ont montré que, si le jeûne intermittent avait débuté avant l’accident, il réduisait les dommages causés par un AVC et améliorait nettement la récupération fonctionnelle. Mais, plus étonnant encore, le jeûne intermittent et la restriction calorique diminuaient également les lésions chez des animaux ayant subi une blessure traumatique de la moelle épinière ou du cerveau (choc, pincement…) et amélioraient leur récupération. Enfin, de récentes études suggèrent que les effets bénéfiques ne se limiteraient pas seulement au système nerveux central (moelle épinière et cerveau), mais s’étendraient aussi au système nerveux périphérique (nerfs sensitifs et nerfs moteurs). Ainsi, des souris atteintes d’une maladie assez similaire à la sclérose en plaques ont vu l’état de leurs nerfs et leurs performances motrices améliorés par cinq mois de jeûne intermittent.
Les cancers :
Terminons ce tour d’horizon des effets prometteurs du jeûne intermittent par son action potentielle sur la prévention des cancers. L’effet curatif du jeûne sur le cancer, c’est-à-dire son utilisation comme traitement une fois la maladie réellement diagnostiquée, a été beaucoup plus étudié pour les jeûnes de plus longue durée (« jeûnes périodiques ») ou pour des régimes reproduisant les effets du jeûne prolongé tout en apportant un nombre de calories significatif (« Fasting Mimicking Diet », en version originale). A plusieurs reprises, un potentiel thérapeutique important a alors été démontré pour ces deux méthodes, potentiel encore plus important lorsqu’elles sont associées à un traitement par chimiothérapie. Mais nous développerons tout ceci dans un autre article dédié aux effets du jeûne périodique. A contrario, comme nous l’avons dit plus haut, les études portant sur les effets spécifiques du jeune intermittent sur le cancer sont rares.
Néanmoins, deux essais menés sur des rongeurs peuvent être cités.
Le premier a montré que les rongeurs jeûneurs un jour sur deux avaient 50 % de chances de survie dix jours après l’inoculation de cellules cancéreuses, contre seulement 12,5 % pour leurs congénères nourris à satiété. Toutefois, dans ces résultats, il est difficile de différencier les effets préventifs des effets réellement curatifs du jeûne puisque le régime a débuté une semaine avant l’inoculation et s’est ensuite poursuivi pendant plusieurs semaines.
La deuxième étude notable a montré que, si l’on faisait jeûner seulement un jour par semaine des souris fortement prédisposées à développer et mourir d’un cancer, celles-ci vivaient significativement plus longtemps que les autres, même si l’allongement de leur durée de vie n’était spectaculaire. Sur l’homme enfin, aucun résultat spécifique au jeûne intermittent n’a encore été produit, l’attention se portant davantage sur les formes prolongées de jeûne comme nous l’avons dit précédemment. Néanmoins, on sait que le jeûne intermittent permet de gérer et prévenir efficacement le surpoids et l’obésité. Justement, il a été montré que l’obésité favorise la survenue d’au moins 13 cancers spécifiques. Ainsi, par un meilleur contrôle du poids, le jeûne intermittent permettrait indirectement de diminuer le risque de cancer. Par ailleurs, parmi tous les marqueurs sanguins améliorés par le jeûne intermittent, plusieurs sont associés aux risques de cancer. Par exemple les taux du facteur de croissance IGF-1, d’insuline, de leptine ou encore de cytokines pro-inflammatoires sont réduits par le jeûne intermittent, alors qu’il est désormais attesté que les personnes ayant les taux les plus élevés de ces marqueurs présentent significativement plus de risques de cancer. Précisons que la plupart des études rapportent des évolutions similaires pour ces marqueurs sanguins entre jeûne intermittent et restriction calorique.
En synthèse, les résultats obtenus sur les animaux sont nombreux et relativement impressionnants, allant du traitement du surpoids et de l’obésité à la prévention ou au ralentissement des maladies neurodégénératives, en passant par la prévention du diabète, la prévention des maladies cardio-vasculaires et l’augmentation de la résistance aux accidents du cerveau et du cœur.
Chez les humains, les observations sont comme d’habitude moins nombreuses et souvent plus indirectes. Mais au-delà du rôle très intéressant que peut jouer le jeûne intermittent dans la gestion du problème gravissime du surpoids et de l’obésité auquel sont confrontées nos sociétés modernes, on rapporte une amélioration de nombreux marqueurs biologiques qui suggère fortement un effet protecteur contre le diabète et les maladies cardio-vasculaires. De plus, les résultats de quelques autres études laissent supposer des effets positifs sur la prévention des cancers et la prise en charge d’autres maladies chroniques telles que la sclérose en plaques.
Espérons maintenant que ces perspectives enthousiasmantes se verront confirmées par de grandes études prospectives qui suivront pendant de longues années l’état de santé d’hommes et de femmes, déjà malades ou non, suivant rigoureusement une forme de jeûne intermittent. En attendant, il me semble que la formidable accumulation de preuves des effets bénéfiques sur la santé du jeûne intermittent devrait déjà nous motiver suffisamment à changer nos conceptions et à intégrer réellement cette véritable thérapie préventive (incroyablement économique qui plus est !) dans nos vies et dans un nouveau système de santé moderne.
Sources :
Mattson, M. P., Longo, V. D. & Harvie, M. Impact of intermittent fasting on health and disease processes. Ageing Res. Rev. (2016)
Longo, V. D. & Mattson, M. P. Fasting: molecular mechanisms and clinical applications. Cell Metab. 19, 181–192 (2014)
Mattson, M. P. et al. Meal frequency and timing in health and disease. Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A. 111, 16647–16653 (2014)
Bonjour après avoir été opérée d une hernie discale il y a 10 mois,j ai développée une fibrose cicatricielle.Le chirurgien m a prescrit des anti inflammatoire a prendre deux fois par jours pendant trois mois.Puis je faire un jeune intermittent?Merci de votre réponse.Cordialement
Bonjour Anne-Marie,
Pour la question des anti-inflammatoires, à priori pas de souci. Le jeûne est justement un anti-inflammatoire puissant, c’est donc une alternative douce à long terme.
Cordialement,
Marie DE OLIVEIRA