Pratiquer une activité physique régulière est reconnu pour diminuer le risque de nombreuses maladies non-transmissibles (maladies cardiovasculaires, diabètes, obésité, cancers…) et, par conséquent, le risque de mourir prématurément. Cela est particulièrement important parce que l’activité physique constitue un facteur sur lequel il nous est possible d’agir, alors que d’autres facteurs, tels que l’exposition à la pollution par exemple, sont bien plus indépendants de notre volonté.
Cependant les recommandations internationales en termes d’activité physique quotidienne ou hebdomadaire se focalisent sur les exercices d’intensité modérée ou intense, et ne donnent aucune information à propos de l’activité physique de faible intensité telle que peuvent être le jardinage ou la promenade par exemple. Ceci est tout simplement le reflet des données scientifiques dont nous disposons actuellement. En effet, la plupart des conclusions à propos des bienfaits de l’activité physique sur la santé est issue de vastes études épidémiologiques dans lesquelles il est demandé aux participants de rapporter par eux-mêmes leur activité physique quotidienne. Cependant, si ce procédé paraît assez efficace pour quantifier l’activité physique d’intensité modérée ou intense, il l’est probablement beaucoup moins en ce qui concerne l’activité physique de faible intensité. On suppose en effet qu’il est bien plus difficile et imprécis d’évaluer avant de se coucher et par soi-même la quantité de ce genre d’activité physique que l’on a eu au cours de la journée, car celle-ci peut être réalisée de manière assez inconsciente et peut se trouver éclatée en de multiples périodes plus ou moins longues. Par conséquent peu de données récoltées dans ces grandes études permettent d’évaluer les conséquences bénéfiques que pourrait avoir une activité physique de faible intensité sur la santé. Or plusieurs autres études montrent que le temps passé quotidiennement dans ce type d’activité peut être très variable d’une personne à une autre et que, pour certaines, il peut être réellement conséquent. Ainsi, s’il s’avérait que ce type d’activité avait un impact significatif sur la santé, il pourrait constituer un outil de prévention très intéressant car la place que nous lui accordons pourrait assez facilement être augmentée, particulièrement chez les personnes les moins actives au quotidien, qui sont aussi souvent les personnes les moins enclines à s’engager volontairement dans des activités physiques intenses.
Heureusement, plusieurs articles scientifiques fournissent tout de même quelques informations au sujet qui nous intéresse ici. En effet, quelques protocoles expérimentaux ont imposé aux participants le port d’accéléromètres. Disposés de manière à déceler et mesurer les accélérations verticales, ces capteurs permettent de quantifier précisément l’activité physique de faible intensité. Ce type d’outil est par exemple utilisé depuis 2003 dans un grand programme de recherche mené aux Etats-Unis, intitulé National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES), et qui suit l’état de santé, la nutrition et l’activité physique de près de 5000 personnes. En 2017, un groupe de chercheurs de l’Université de Francfort a décidé de répertorier tous les articles scientifiques ayant analysé d’une façon ou d’une autre les données d’activité physique de faible intensité produites par ce programme. Ils ont alors essayé de synthétiser l’ensemble des résultats fournis par ces articles pour tenter de produire de premières réelles conclusions quant à l’effet de l’activité physique de faible intensité sur la santé.
De l’analyse des 40 articles retenus pour leur synthèse (37 études transversales et 3 études longitudinales), il ressort globalement que ce type d’activité physique a un impact positif sur de nombreux marqueurs de la santé cardiovasculaire et métabolique. D’abord, il a été montré à plusieurs reprises qu’il améliorait la sensibilité à l’insuline. On sait que c’est la diminution progressive de la sensibilité à l’insuline de nos cellules qui est responsable de l’apparition d’un diabète de type 2, c’est pour cela que l’on parle de diabète insulino-résistant. L’activité de faible intensité permettrait donc, par ce biais, de prévenir le développement du diabète de type 2, une maladie qui fait déjà des ravages considérables dans les pays industrialisés et les pays en voie de développement et qui continue son expansion à vitesse grand v.
Ensuite, le travail de synthèse réalisé par les chercheurs de Francfort montre clairement les bienfaits de l’activité physique de faible intensité sur l’adiposité. Plusieurs articles rapportent un plus faible indice de masse corporel (IMC), une plus petite circonférence de la cuisse ou un plus petit pli cutané à l’arrière du bras, tout ces éléments suggérant une masse grasse moins importante chez les personnes plus actives. On sait par exemple qu’un homme obèse présente plus de risques de développer un cancer de la prostate, du côlon et de la vésicule biliaire ainsi que de développer une maladie cardio-vasculaire. Plusieurs articles rapportent également un taux plus faible de triglycérides sanguins et une augmentation du taux du « bon » cholestérol, ce qui laisse supposer une meilleure santé cardio-vasculaire. Il n’est donc pas étonnant que certaines études constatent que le risque d’être atteint de syndrome métabolique est inversement proportionnel à la quantité d’activité physique de faible intensité pratiquée quotidiennement. De plus, il a été montré que plus d’activité physique de faible intensité est associée à un taux plus faible de protéines C-réactives, qui constitue le principal indicateur du niveau d’inflammation dans l’organisme. L’ensemble de tous les éléments précédemment cités laisse donc penser que le risque d’être atteint d’un diabète de type 2 ou d’une maladie cardiovasculaire est plus faible chez les personnes ayant, au quotidien, le plus d’activité physique de faible intensité. Cette hypothèse semble cohérente avec les résultats des trois études longitudinales retenues dans le travail de synthèse des chercheurs de l’université de Francfort. En effet, en suivant les mêmes participants sur plusieurs années, ces trois études ont pu analyser l’association entre la mortalité des participants et leur niveau d’activité physique. Elles rapportent toutes les trois le même résultat, le résultat qui nous intéresse le plus en fin de compte : l’activité physique de faible intensité diminue significativement le risque de mourir prématurément (toutes causes de mortalité confondues). Ajoutons enfin que plusieurs articles répertoriés suggèrent que l’activité physique de faible intensité améliore l’équilibre, un paramètre particulièrement important chez les personnes âgées puisqu’il prémunit contre les chutes et les dégradations de l’état de santé qui en découlent, et qu’il améliore également les syndromes dépressifs.
Les auteurs concluent leur travail de synthèse en écrivant que, bien qu’il faille continuer d’explorer les choses plus en profondeur, il existe déjà à l’heure actuelle suffisamment de preuves de l’effet bénéfique de l’activité physique de faible intensité sur la santé. Ils estiment qu’il faudrait inclure ce type d’activité physique dans les recommandations officielles internationales car celles-ci, en ne se focalisant que sur l’activité d’intensité modérée ou intense, peuvent avoir tendance à décourager les personnes les moins mobiles, celles pour qui par exemple la simple marche est devenue difficile et la pratique d’un sport totalement impossible. A ce propos, il est intéressant de souligner que la diminution du risque de syndrome métabolique observée avec l’augmentation de la quantité d’activité physique de faible intensité évoquée plus haut se vérifie également lorsque, dans les études, on ne prend en compte que les personnes atteintes d’arthrose. Cela nous rappelle à quel point les maladies non-mortelles mais invalidantes, comme l’arthrose, peuvent être à l’origine d’un cercle vicieux accélérant la survenue de maladie mortelle. C’est pour cela qu’en vieillissant il faut autant que possible maintenir une activité physique régulière, même si elle doit être de faible intensité.
Source principale :
Füzéki, E., Engeroff, T. & Banzer, W. Health Benefits of Light-Intensity Physical Activity: A Systematic Review of Accelerometer Data of the National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES). Sports Med. Auckl. NZ (2017). doi:10.1007/s40279-017-0724-0