Nous sous-estimons, voire méconnaissons, l’influence qu’a notre alimentation dans la survenue et le développement du cancer. Je vous propose ici une synthèse des principales preuves dont nous disposons.
Une maladie génétique ?
Le premier écueil est de concevoir le cancer comme une maladie purement génétique, autrement dit héréditaire. Cette conception a déjà nettement régressé, à mesure que la domination de la cause génétique sur tout autre forme d’explication s’estompe lentement dans tous les domaines du vivant, après de longues années de règne. Néanmoins, c’est cette vision qui donne à beaucoup l’impression de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, pour l’unique raison que certains de leurs parents sont déjà décédés des suites d’un cancer. Alors que, quelque soit l’histoire familiale et les gènes, environ un décès sur trois en France est causé par un cancer et que, dans les années à venir, l’OMS prévoit qu’un Homme sur deux et plus d’une Femme sur trois seront touchés une fois dans leur vie par cette maladie.
Si nous sommes profondément marqué par cette idée que la génétique l’emporte sur tout le reste c’est qu’il a été identifié, pour plusieurs cancers, des formes de gènes qui augmentent significativement chez leurs porteurs le risque de développer la maladie comparativement à des personnes non-porteuses au mode de vie identique. L’un des exemples les plus saisissants de cela c’est l’existence de mutations spécifiques des gènes BRCA1 et BRCA2 qui sont associées à un risque très élevé de développer un cancer du sein chez les femmes porteuses. Dans ce cas, le risque est tel qu’il conduit parfois, comme ce fut le cas de l’actrice Angelina Jolie, en 2013, à l’ablation préventive des deux seins. Mais cela tend à nous faire oublier deux choses importantes. D’abord, le risque est très variable entre deux porteuses de la même mutation (entre 40 et 80 % de risque de développer un cancer du sein avant 70 ans pour la mutation du gène BRCA1), rappelant influence importante d’autres éléments. Ensuite, ces femmes bénéficient visiblement plus que les autres de l’adoption d’un mode de vie sain et préventif. Par exemple, si la consommation régulière de produits à base de soja diminue de 27 % en moyenne le risque de cancer du sein chez les femmes non-porteuses de la mutation des gènes BRCA1 et BRCA2, elle diminue de 73 % le risque chez les femmes porteuses. Et si la consommation de viande augmente le risque de 41 % chez les non-porteuses, elle l’augmente de 97 % chez les femmes porteuses. Autrement dit, le fait d’être prédisposé génétiquement à développer un cancer rend encore plus pertinent la prise en compte de l’influence des facteurs non-génétiques.
Mais surtout, au-delà de ces cas particuliers clairement identifiés, il faut savoir que l’influence générale de la génétique sur l’ensemble des cancers est faible. Des rapports scientifiques commandés par l’académie des sciences des États-Unis et publiés au début des années 1980 estimaient déjà que seuls 2 à 4 % des morts par cancer pouvaient être directement attribués à des prédispositions génétiques. Aujourd’hui encore lorsqu’on se rend sur le site internet de l’institut national du cancer on peut lire qu’il est estimé « qu’entre 2 et 5 % des cancers [du sein ou des ovaires] seraient d’origine génétique ». Sur le site de la fondation ARC pour la recherche contre le cancer, on trouve qu’« entre 5 et 10 % des cancers [dans leur ensemble] auraient une origine héréditaire ». D’ailleurs s’il existait une fatalité génétique au cancer, alors le risque d’être atteint devrait être exactement le même pour deux jumeaux, autrement dit si l’un des deux contractait un cancer l’autre devrait se savoir en sursis. Or c’est loin d’être le cas, même si bien entendu le risque de développer un cancer est plus important pour le jumeau que pour une personne lambda. Mais cette augmentation (relative) du risque pourrait aussi parfaitement s’expliquer par d’autres facteurs, car ce qui se partage et se transmet dans une famille ce ne sont pas que les gènes… mais aussi le mode de vie, et en premier lieu l’alimentation, ne serait-ce que le temps durant lequel parents et enfants partagent le même toit.
Une grande variabilité des taux de cancer malgré une homogénéité ethnique
Un autre argument contre cette vision génétique et fataliste du cancer, c’est l’existence d’une incroyable disparité géographique. En effet, on rapporte une variabilité très importante des taux de cancers d’une région du monde à une autre. On pourrait imaginer que cela est relié à l’ethnie et donc à la génétique, sauf que cette grande variabilité est également observée à l’intérieur de vastes zones géographiques rassemblant une population très homogène d’un point de vue ethnique (et donc génétique), telle que la Chine rurale par exemple.
Si on considère alors que le taux de cancer le plus bas est le taux théoriquement le plus faible atteignable, et si nous connaissions tous les facteurs causant le plus haut taux de cancer enregistré, alors on pourrait estimer que chaque cas de cancer au-dessus du taux le plus bas pourrait être évité grâce à des mesures préventives. Il y a quarante ans que cela a été suggéré par le directeur de l’agence internationale de recherche contre le cancer qui estimait donc que 80 à 90 % des cancers étaient causés par l’alimentation et les facteurs environnementaux.
Sources principales : 1,2 3 4 5 6,7 8
1. Barnard, R. J., Gonzalez, J. H., Liva, M. E. & Ngo, T. H. Effects of a low-fat, high-fiber diet and exercise program on breast cancer risk factors in vivo and tumor cell growth and apoptosis in vitro. Nutr. Cancer 55, 28–34 (2006).
2. Campbell, T. C. Cancer Prevention and Treatment by Wholistic Nutrition. J. Nat. Sci. 3, (2017).
3. Saxe, G. A. et al. Can diet in conjunction with stress reduction affect the rate of increase in prostate specific antigen after biochemical recurrence of prostate cancer? J. Urol. 166, 2202–2207 (2001).
4. Shekelle, R. B. et al. Dietary vitamin A and risk of cancer in the Western Electric study. Lancet Lond. Engl. 2, 1185–1190 (1981).
5. Schuman, L. M. The benefits of cessation of smoking. Chest 59, 421–427 (1971).
6. Riso, P. et al. DNA damage and repair activity after broccoli intake in young healthy smokers. Mutagenesis 25, 595–602 (2010).
7. Higdon, J. V., Delage, B., Williams, D. E. & Dashwood, R. H. Cruciferous vegetables and human cancer risk: epidemiologic evidence and mechanistic basis. Pharmacol. Res. 55, 224–236 (2007).
8. Park, W., Amin, A. R. M. R., Chen, Z. G. & Shin, D. M. New perspectives of curcumin in cancer prevention. Cancer Prev. Res. Phila. Pa 6, 387–400 (2013).
Livre : Cancer maladie génétique ou crise énergétique cellulaire? Le pouvoir de l’alimentation.
https://www.souffledor.fr/sante-et-therapies-naturelles/5707-cancer-maladie-genetique-ou-crise-energetique-cellulaire–9782840588634.html