Le développement industriel des steaks végétaux est-il une vraie alternative à notre consommation excessive de viande ? La réponse est non, sans appel. En termes d’alimentation, il est grand temps de nous affranchir des industriels, qu’ils soient de la viande, du lait, des œufs ou des alternatives « végétales », et de tirer toutes les conclusions des nombreux résultats essentiels que nous fournit la recherche en nutrition.
D’abord, la nécessité de réduire fortement notre consommation de viande ne fait plus de doute. Citons pour exemple la plus grande étude épidémiologique à ce jour portant sur le lien entre alimentation et santé, nommée NIH-AARP Diet and Health Study et menée par la National Cancer Institute aux États-Unis. En analysant les données de plus de 500 000 participants, les auteurs d’un article publié en 2009 dans le prestigieux Journal of American Medical Association le confirme : les consommations régulières de viande rouge et de viande transformée (charcuterie…etc) sont associées à de plus grandes mortalités générales (c’est-à-dire une plus faible espérance de vie), mais aussi de plus grandes mortalités par maladies cardio-vasculaires et par cancers, les deux principales causes de décès dans les pays occidentaux. Les chercheurs estiment qu’une réduction importante de notre consommation de viande rouge pourrait à elle seule prévenir 11 à 16 % des décès prématurés. Concernant la viande blanche, si cet article ne rapporte qu’une augmentation des risques cardio-vasculaires, en revanche, d’autres rapportent également une augmentation du risque de cancers, comme ce fut le cas par exemple de la publication d’une équipe de Loma Linda University en 2005. Les mécanismes biologiques explicatifs font encore débat. Certains incriminent principalement les graisses d’origine animale (acides gras saturés et trans, et cholestérol) car elles semblent clairement impliquées dans la constitution des plaques d’athéromes, principales responsables des décès par infarctus ou AVC. D’autres pointent le rôle fondamental joué par l’arrivée importante de fragments de bactéries dans le sang, nommée endotoxémie, car en provoquant une réponse inflammatoire celles-ci seraient responsables des lésions des parois des artères préalables à la constitution des plaques d’athérome. D’autres encore insistent sur les dégâts causés dans les organes ou à l’ADN par les glycotoxines (ou produits de la glycation avancée) et le fer héménique. Quoi qu’il en soit, la réalité est indéniable : en plus de nuire à l’environnement, notre consommation de viande nuit gravement à notre santé.
Néanmoins, il est à parier qu’une consommation régulière de steaks végétaux ne soit pas plus recommandable. Ces nouveaux produits industriels peuvent en effet intégrer la catégorie des « aliments ultra-transformés », que l’on peut définir comme des aliments obtenus à partir de transformations industrielles sans équivalent domestiques, et généralement constitués d’au moins cinq ingrédients dont bien souvent de l’huile, du sucre (ou un équivalent industriel : maltodextrine, dextrose, sirop de glucose…), des déchets revalorisés de l’industrie laitière (poudre de petit lait, poudre de babeurre, matière laitière anhydre…), des fragments d’aliments bruts (fibres, germes de blé, amidon, gluten…) et des additifs (émulsifiants, stabilisants, conservateurs)1. Or, les effets désastreux de la consommation de ce type d’aliments sur la santé sont de mieux en mieux documentés. L’équipe du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques de l’Université de Paris a publié depuis 2018 plusieurs articles synthétisant ses analyses des données collectées chez plus 100 000 participants à travers l’étude NutriNet-Santé. Ces chercheurs ont successivement montré qu’une consommation accrue de produits ultra-transformés était associée à davantage de risques de maladies cardio-vasculaires, de maladies coronariennes et de maladies cérébro-vasculaires, à davantage de risques de cancers, et à davantage de risques de surpoids et d’obésité. Substituer un steak végétal à son bifteck, ce serait donc passer de Charybde en Scylla.
Face à ce dilemme, il existe une autre solution, dont les résultats ont de quoi faire rêver. Les seules études cliniques ayant été en mesure de stopper l’évolution de maladies cardio-vasculaires, et même de faire régresser l’obstruction des artères chez une grande partie des patients, sont celles qui ont imposé aux participants une alimentation centrée exclusivement sur des aliments peu transformés et d’origine végétale, c’est-à-dire une alimentation basée sur des légumineuses, des céréales complètes, des légumes, des fruits, des fruits à coques et des graines, et excluant ainsi tout produit d’origine animal (viande, œufs, poissons et produits laitiers) et tout produit ultra-transformé. On peut ici citer l’intervention réalisée par le cardiologue américain Caldwell Esselstyn chez 18 patients, tous atteints de maladies cardio-vasculaires avancées. Après 5 ans et demi de changement d’alimentation, l’échographie a permis d’attester une régression de l’obstruction des artères coronaires dans plus de 70 % des cas. Alors qu’au début du suivi l’espérance de vie moyen de ces patients atteignaient quelques mois, 17 ans plus tard, un seul patient était décédé et ceci d’une cause non-cardio-vasculaire. Des observations similaires ont également été rapporté chez 28 patients dès 1990 par l’équipe du Dr. Dean Ornish dans The Lancet, après seulement 1 an de changement de mode de vie.
Ce qui devrait nous enthousiasmer et nous encourager à adopter ce type d’alimentation c’est qu’elle semble pouvoir prévenir et traiter la majeure partie de nos maladies chroniques (obésité, diabète, cancers, maladies digestives, maladies neuro-dégénératives…). Citons par exemple cette revue de littérature publiée en 2017 dont les auteurs écrivent qu’il existe « un consensus général selon lequel les éléments d’une alimentation centrée sur des aliments peu transformés et d’origine végétale – légumineuses, céréales complètes, fruits, légumes et fruits à coque, associés à une consommation nulle ou faible en produits trop transformés ou en produits d’origine animale – sont hautement bénéfiques pour prévenir et traiter le diabète de type 2 ». Ou nous pourrions encore rappeler cette publication de 2005 de l’équipe du Dr. Ornish montrant une régression d’un cancer de la prostate pris en charge à un stade précoce par les mêmes changements de mode de vie que ceux utilisés 15 ans plus tôt chez les malades du coeur. Pas besoin donc de choisir entre la peste ou le choléra, il est possible de gagner sur tous les tableaux.
Ainsi la réponse aux problèmes écologiques et de santé posés par notre consommation de viande ne réside pas dans une énième innovation technologique mais dans une approche « low tech » vieille comme le monde : faire la cuisine, mais en utilisant presque exclusivement des végétaux.
Le développement industriel des steaks végétaux est-il une vraie alternative à notre consommation excessive de viande ? La réponse est non, sans appel. En termes d’alimentation, il est grand temps de nous affranchir des industriels, qu’ils soient de la viande, du lait, des œufs ou des alternatives « végétales », et de tirer toutes les conclusions des nombreux résultats essentiels que nous fournit la recherche en nutrition.
D’abord, la nécessité de réduire fortement notre consommation de viande ne fait plus de doute. Citons pour exemple la plus grande étude épidémiologique à ce jour portant sur le lien entre alimentation et santé, nommée NIH-AARP Diet and Health Study et menée par la National Cancer Institute aux États-Unis. En analysant les données de plus de 500 000 participants, les auteurs d’un article publié en 2009 dans le prestigieux Journal of American Medical Association le confirme : les consommations régulières de viande rouge et de viande transformée (charcuterie…etc) sont associées à de plus grandes mortalités générales (c’est-à-dire une plus faible espérance de vie), mais aussi de plus grandes mortalités par maladies cardio-vasculaires et par cancers, les deux principales causes de décès dans les pays occidentaux. Les chercheurs estiment qu’une réduction importante de notre consommation de viande rouge pourrait à elle seule prévenir 11 à 16 % des décès prématurés. Concernant la viande blanche, si cet article ne rapporte qu’une augmentation des risques cardio-vasculaires, en revanche, d’autres rapportent également une augmentation du risque de cancers, comme ce fut le cas par exemple de la publication d’une équipe de Loma Linda University en 2005. Les mécanismes biologiques explicatifs font encore débat. Certains incriminent principalement les graisses d’origine animale (acides gras saturés et trans, et cholestérol) car elles semblent clairement impliquées dans la constitution des plaques d’athéromes, principales responsables des décès par infarctus ou AVC. D’autres pointent le rôle fondamental joué par l’arrivée importante de fragments de bactéries dans le sang, nommée endotoxémie, car en provoquant une réponse inflammatoire celles-ci seraient responsables des lésions des parois des artères préalables à la constitution des plaques d’athérome. D’autres encore insistent sur les dégâts causés dans les organes ou à l’ADN par les glycotoxines (ou produits de la glycation avancée) et le fer héménique. Quoi qu’il en soit, la réalité est indéniable : en plus de nuire à l’environnement, notre consommation de viande nuit gravement à notre santé.
Néanmoins, il est à parier qu’une consommation régulière de steaks végétaux ne soit pas plus recommandable. Ces nouveaux produits industriels peuvent en effet intégrer la catégorie des « aliments ultra-transformés », que l’on peut définir comme des aliments obtenus à partir de transformations industrielles sans équivalent domestiques, et généralement constitués d’au moins cinq ingrédients dont bien souvent de l’huile, du sucre (ou un équivalent industriel : maltodextrine, dextrose, sirop de glucose…), des déchets revalorisés de l’industrie laitière (poudre de petit lait, poudre de babeurre, matière laitière anhydre…), des fragments d’aliments bruts (fibres, germes de blé, amidon, gluten…) et des additifs (émulsifiants, stabilisants, conservateurs)1. Or, les effets désastreux de la consommation de ce type d’aliments sur la santé sont de mieux en mieux documentés. L’équipe du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques de l’Université de Paris a publié depuis 2018 plusieurs articles synthétisant ses analyses des données collectées chez plus 100 000 participants à travers l’étude NutriNet-Santé. Ces chercheurs ont successivement montré qu’une consommation accrue de produits ultra-transformés était associée à davantage de risques de maladies cardio-vasculaires, de maladies coronariennes et de maladies cérébro-vasculaires, à davantage de risques de cancers, et à davantage de risques de surpoids et d’obésité. Substituer un steak végétal à son bifteck, ce serait donc passer de Charybde en Scylla.
Face à ce dilemme, il existe une autre solution, dont les résultats ont de quoi faire rêver. Les seules études cliniques ayant été en mesure de stopper l’évolution de maladies cardio-vasculaires, et même de faire régresser l’obstruction des artères chez une grande partie des patients, sont celles qui ont imposé aux participants une alimentation centrée exclusivement sur des aliments peu transformés et d’origine végétale, c’est-à-dire une alimentation basée sur des légumineuses, des céréales complètes, des légumes, des fruits, des fruits à coques et des graines, et excluant ainsi tout produit d’origine animal (viande, œufs, poissons et produits laitiers) et tout produit ultra-transformé. On peut ici citer l’intervention réalisée par le cardiologue américain Caldwell Esselstyn chez 18 patients, tous atteints de maladies cardio-vasculaires avancées. Après 5 ans et demi de changement d’alimentation, l’échographie a permis d’attester une régression de l’obstruction des artères coronaires dans plus de 70 % des cas. Alors qu’au début du suivi l’espérance de vie moyen de ces patients atteignaient quelques mois, 17 ans plus tard, un seul patient était décédé et ceci d’une cause non-cardio-vasculaire. Des observations similaires ont également été rapporté chez 28 patients dès 1990 par l’équipe du Dr. Dean Ornish dans The Lancet, après seulement 1 an de changement de mode de vie.
Ce qui devrait nous enthousiasmer et nous encourager à adopter ce type d’alimentation c’est qu’elle semble pouvoir prévenir et traiter la majeure partie de nos maladies chroniques (obésité, diabète, cancers, maladies digestives, maladies neuro-dégénératives…). Citons par exemple cette revue de littérature publiée en 2017 dont les auteurs écrivent qu’il existe « un consensus général selon lequel les éléments d’une alimentation centrée sur des aliments peu transformés et d’origine végétale – légumineuses, céréales complètes, fruits, légumes et fruits à coque, associés à une consommation nulle ou faible en produits trop transformés ou en produits d’origine animale – sont hautement bénéfiques pour prévenir et traiter le diabète de type 2 ». Ou nous pourrions encore rappeler cette publication de 2005 de l’équipe du Dr. Ornish montrant une régression d’un cancer de la prostate pris en charge à un stade précoce par les mêmes changements de mode de vie que ceux utilisés 15 ans plus tôt chez les malades du coeur. Pas besoin donc de choisir entre la peste ou le choléra, il est possible de gagner sur tous les tableaux.
Ainsi la réponse aux problèmes écologiques et de santé posés par notre consommation de viande ne réside pas dans une énième innovation technologique mais dans une approche « low tech » vieille comme le monde : faire la cuisine, mais en utilisant presque exclusivement des végétaux.